Le temps appartient aux hommes


« Le temps appartient aux hommes » est le premier vers d’une poésie de Giovanni Profumo. C’est aussi l’un des nombreux passages, que ce soit dans la correspondance ou dans les écrits de l’artiste, où il plaisante à propos de la nécessité pour l’homme de scander ou de mesurer l’écoulement du temps, voire où il la nie. Les exemples abondent et varient du badinage à un ton plus engagé. Dans une lettre à sa fille Monica, à la place de la date, il écrit : « date (ou ce qui est supposé l'être) », en dessous de laquelle il poursuit : « si tu penses (mais, donc tu penses ?) arriver à Gênes le 31 de ce mois (Ah ! Ah ! Ah !) ».

Il s’explique plus clairement dans une lettre adressée à l’écrivain Giorgio Calcagno : « Parce que je crois fermement en l’éternité, je ne crois pas au temps, dont j’affirme, avec d’autres, qu’il est d’une telle brièveté qu’il se rapproche au plus près (au sens mathématique) du zéro absolu. Malheureusement, c’est un fait, déterminant et plutôt négatif, je dois vivre dedans ». En accord avec cette idée, Profumo n’a jamais daté une seule lettre, ni une poésie, ni un texte, ni même une seule peinture tout au long des quarante ans de son activité de peintre. Voilà qui pourrait bien être le pire cauchemar pour un historien de l’art : comment, en effet, établir et ordonner le catalogue d’un artiste qui s’oppose de manière aussi systématique, aussi délibérée à l’organisation des faits humains selon une ligne temporelle? Or, en réalité, cette quête impossible de l’infini est une affirmation programmatique, une proclamation poétique qui correspond parfaitement à ce que Profumo a accompli en tant que peintre. C’est en effet la dialectique entre le contact avec la dimension concrète, fortuite, des circonstances et le besoin de tendre vers l’essence idéale, au-delà de ces mêmes circonstances, qui est le point de départ de son processus créatif.

Le parcours artistique de Profumo se fonde sur la recherche sous-tendue par une nécessité intérieure et autonome, souvent solitaire, voire isolée, d’une sacralité qui tend vers l’absolu, l’atemporel. Dans le même temps, parce qu’il est pleinement conscient (en tant que post-romantique) de la subtilité de la limite entre le sublime et le ridicule, il procède toujours avec une ironie lucide, scrutant cette limite jusqu’à voir en elle la poésie. Une telle sensibilité trouve sa manifestation la plus pleine dans la dernière décennie de son activité, lorsque ses toiles, réduites au monochrome, au degré zéro de la peinture, deviennent les fragments visibles d’une totalité lumineuse et ininterrompue. Toutefois la petitesse du format, la marque visible de chaque coup de spatule et la trace laissée par chaque poil du pinceau ramènent constamment l’observateur à la réalité banale, mais aussi lyrique, de l’ici et maintenant : celle de la couleur couchée sur la toile, de la pièce où tu te trouves, et de ce rais de lumière qui, l’après-midi, joue entre la fenêtre et tes épaules, semblable à la trace du pinceau laissée par le geste concis et extrêmement précis de l’artiste.

                                                                                                                                                      Raffaele Bedarida
 
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